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Olivier Breitman
24 novembre 2005

Ivanov

Mise en scène de Franck Berthier, à la Faïencerie de Creil. Horrible et fascinante nature humaine. Tchékhov avait écrit deux versions de son Ivanov : une comédie, puis un drame. Franck Berthier a choisi la première mouture du texte, comédie grinçante et déroutante, version incisive et violente, virulente dans la satire de la vulgarité, parodie digne des gravures d'un Daumier, sans aucun manichéisme. La mise en scène nous propose une vision amère de l'Homme, les personnages rassemblent à eux tous, presque l'ensemble des mesquineries humaines, on ne peut pourtant pas s'empêcher d'avoir la plus grande compassion pour eux. Cette galerie de portraits nous ressemble tant, et nous dégoûte à la fois. Quels sont les "bons" ? et quels, les "méchants" ? Aucun ne semble pouvoir avoir grâce à nos yeux, et pourtant chacun nous touche. Il faut noter la construction remarquable des éclairages par Mireille Dutriévoz, l'ambiance très particulière et personnelle de ce spectacle lui doit beaucoup. Le soleil est parfois accablant, soudain un nuage survient (je n'ai toujours pas compris comment elle réussit à faire passer un nuage dans un théâtre) et l'action des ombres et lumières suit son cours. Devant un mur de volutes de fumée mouvantes qui semblent surgir du décor même, le personnage principal, sensiblement incarné par Jean-Philippe Ecoffey, paraît comme un Hamlet atteint de mélancolie pathologique, incapable de faire face au monde, non plus qu'à lui-même. Autour de lui chaque personnage s'empresse de lui faire la morale. Il y a presque toujours un médecin dans les pièces de Tchékhov, plus ou moins porte-parole de l'auteur, mais ici le médecin, sous les traits de Jean-Pierre Poisson, est tant obnubilé par la droiture et par LA vérité dont il ne doute jamais, qu'il contribue grandement à la déchéance d'Ivanov. L'avare usurière Zinaïda est interprétée avec telle foi et telle humanité par Catherine Ferri, qu'on en vient parfois à lui donner raison. Son lâche époux Lebedev, joué par Jacques Kalbache, nous émeut au plus profond tout en nous désespérant par sa petitesse. La marieuse, Nadine Alari, maquerelle amusante et sympathique tient les mêmes discours pusillanimes et sectaires que les autres. Et Ariane Dubillard, François Lalande, Serge Lipszyc et Guillaume Ravoire, joueurs, magouilleurs ou misanthropes, Laurence Kevorkian-Berthier et Elsa Rozenknop, épouses victimes et martyres, jusqu'à Manon Conan qui ne fait qu'une silhouette, bref toute la troupe campe une galerie de caractères très marqués et subtils en même temps. Ils sont ignobles, mais nous ne pouvons tout à fait leur en vouloir, puisqu'ils sont notre miroir...
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