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Olivier Breitman
15 juin 2010

Revue "Scène" (セーヌ)

Revue__Sce_ne_La revue japonaise "Scène" (セーヌ), consacrée à la danse, vient de publier un article sur l'Onnagata français (voir sur le site du Théâtre Hors du Temps). L'article est signé Masumi Kawakita. "Olivier Breitman un acteur occidental qui a joué des rôles en onnagata"
"Monsieur Olivier Breitman est un acteur français qui a travaillé plus de vingt ans avec Monsieur Fuseya, en interprétant des rôles d'onnagata. Il nous explique qu'il utilise toujours cette technique de base, créée par Monsieur Fuseya en s'inspirant de la tradition japonaise, même s’il joue en ce moment un des personnages principaux du Roi Lion depuis trois ans."
Masumi : Comment avez-vous rencontré Monsieur Fuseya ?
Olivier : Un de mes amis jouait dans la première pièce qu'il a mis en scène à Paris avec des acteurs français, il m'a prévenu que Monsieur Fuseya cherchait un comédien pour sa prochaine pièce au Théâtre du Temps, et j'ai passé l'audition. C'était en 1984 que je suis monté sur scène pour la première fois dans un spectacle de M. Fuseya, et j'ai joué ensuite dans ses pièces pendant plus de vingt ans. D'abord en tant que simple acteur, puis je suis devenu son assistant, j'ai dirigé des stages de formation...
M : Ce n'était pas difficile de jouer en onnagata pour un acteur français ?
O : La première fois que j'ai abordé les techniques japonaises de l'onnagata, c'était pour une pièce inspirée du théâtre antique grec, mais nous avons joué sans surtout essayer d'imiter des acteurs japonais ! Monsieur Fuseya nous disait par exemple que le kimono est conçu pour les corps asiatiques, sur notre corps occidental l'effet n'est pas du tout le même. Quand les occidentaux s'habillent en kimono ils semblent déguisés. Donc même si les costumes des spectacles du Théâtre du Temps étaient bien entendu inspirés de l'esthétique japonaise, ils avaient également une forte influence venue de l'antiquité grecque, afin de trouver un style universel. Certains spectateurs me demandent si j'ai étudié le Nô, mais je ne peux pas prétendre interpréter du Nô, du Kyogen ou du Kabuki. J'ai travaillé en m'inspirant de certains aspects essentiels de la culture japonaise, mais pour un théâtre de création occidental, en recherchant une dramaturgie universelle. Pour que ce travail reste naturel, je ne veux surtout pas chercher à faire une imitation folklorique ou superficielle de la culture japonaise.
M : C'est M. Fuseya qui a créé cette méthode ?
O : Oui.
Junji Fuseya : Non, non ! On a créé cette méthode ensemble, au cours de stages de formation. Avec cette technique fondamentale, on n'aborde pas simplement la technique traditionnelle japonaise, les mouvement occidentaux ont vraiment apporté quelque chose de nouveau. Cette recherche a été bien menée, c’est pourquoi nous avons fait l’objet de beaucoup de bons articles écrits par plusieurs grands journalistes.
O : Ma rencontre avec Junji Fuseya a été très importante dans ma vie, et j’utilise toujours la méthode que j’ai travaillé avec lui pour tous les spectacles que j'interprète, je me rends compte à chaque fois que c’est une technique universelle. Même si j’ai travaillé avec beaucoup de metteurs en scène français, cette base de mon travail reste toujours profondément ancrée, mais sans doute les spectateurs ne voient-ils pas c’est une technique inspirée de la culture japonaise. Et j'utilise cette technique en entraînement physique quotidien.
L'important est de bien comprendre et ressentir intérieurement l'origine du mouvement et de la voix, ensuite seulement on peut l'extérioriser. De toutes façons la chorégraphie et les déplacements sont décidés par le metteur en scène. Ce qui est intéressant pour l'interprète, c'est d'en rechercher les raisons en soi-même.
J'avais un trac immense quand nous avons joué "Yûzuru" au Setagaya Public Theater de Tokyo en 2003, parce que c'est une pièce du répertoire contemporain très connue du public japonais, de plus on l'interprétait comme une pièce française, et en langue française, et par dessus le marché je jouais le rôle principal en onnagata! Mais finalement tout s'est très bien passé, les spectateurs ont été surpris de redécouvrir cette œuvre que nous avons reprise avec notre ressenti occidental, donc très différemment de la tradition japonaise classique. M. Fuseya m'a bien précisé qu'il ne me fallait surtout pas tenter de copier une femme japonaise. On sait que je ne suis pas une femme. "Tu as une voix grave ? me disait-il, ce n'est pas grave! Joue avec l'âme d'une femme. Joue avec des sentiments intérieurs féminins, mais ne cherche pas à en faire une imitation réaliste. C'est là, qu'est le vrai théâtre."
Junji Fuseya : Mais n'importe qui ne peut pas arriver à ce niveau technique. C'est Olivier. C'est lui qui est arrivé à le faire, il a quelque chose en plus. Il faut toujours chercher et approfondir de nouveau, si on ne continue pas sans cesse la recherche artistique, il n'y a pas de sens. Le théâtre doit être notre vie quotidienne et le théâtre est un art total.
O : Même si on pense avoir bien joué sur scène, s'il n'y a pas d'âme on est passé à côté du but. il ne faut jamais oublier la raison pour laquelle on est sur scène. Julie Taymor qui a fait la mise en scène du Roi Lion nous disait : "l'acteur doit être le médecin de l'âme des spectateurs". Et même si le style des spectacles de Junji Fuseya et celui des shows de comédie musicale semblent très différents, la mission de l'acteur reste la même. On essaye toujours d'atteindre directement le cœur du public. Et si l'on joue la même pièce tous les jours, à chaque fois quelque chose de nouveau se passe. Les spectateurs sont les partenaires des acteurs, et ils se renouvellent à chaque représentation. Si on joue entre nous, ou pour soi-même, autant jouer à la maison.
M : On m'a dit que M. Fuseya est quelqu'un de très difficile.
O : Oh non ! Il est gentil. Mais très exigeant. Lorsqu'il vient dans les loges après le spectacle, il commence toujours par nous donner d'abord les points positifs. Quand il vient et nous dit juste "C'était très bien" je sais qu'il va y avoir un "mais..." et là, je commence à avoir peur... (rires)

Masumi KAWAKITA
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